Pervers Narcissiques. Qui sont ils ? Comme nous l’avons déjà évoqué dans le podcast, à ce sujet, le Pervers Narcissique est un séducteur et un destructeur, à la fois, avec pour moteur la toute-jouissance.
Mais au travers des podcasts, déjà réalisés, une question m’a été posée, assez souvent, comment devient-on Pervers Narcissique ?
L’éducation a un rôle essentiel à jouer, car c’est, en effet, elle qui va marquer l’inconscient de l’enfant et inscrire que tout n’est pas possible. Tout se joue pendant la petite enfance et même avant les 5 ans de l’enfant.
Alors avant d’aller plus loin, revenons sur
I/ quelques caractéristiques complémentaires concernant les PN
II/ comment on devient PN en insistant sur l’importance de l’éducation qui est essentielle dans le développement de l’enfant
I/ Pour rappel, quelques caractéristiques concernant les Pervers Narcissiques (hommes ou femmes)
Le PN exerce une réelle hypnose empêchant la victime de voir :
un éternel séducteur
un éternel insatisfait qui a besoin de haïr pour exister, qui jalouse le bien-être qu’il observe chez l’autre, qui est incapable d’aimer
une personne qui ignore totalement le respect de l’autre qu’il ne considère pas comme une personne à part entière et qu’il a besoin de dominer
un destructeur qui attaque les liens et donc toute relation
une personne qui fait croire à l’autre que tout est de sa responsabilité alors qu’il dicte les actes à autrui notamment par son pouvoir de suggestion
dans les formes les plus abouties de la perversité, il s’approche du sadisme et de la paranoïa, à cause de sa tyrannie notamment lorsqu’il voit l’autre souffrir
Enfin une personne sans morale, bien qu’il feigne le contraire par pur cinéma, qui n’a pas intégrée la notion d’interdit et qui, pour autant, connaît parfaitement la loi et la défie constamment par pur besoin de toute-puissance.
Le docteur Barbier, psychiatre- psychanalyste, nous explique que le PN : « est enfermé dans une organisation rigide et archaïque fondée sur la jouissance et l’emprise qui lui font trouver son équilibre sur le dos d’autrui. A la différence du psychotique, il est ancré dans le réel. Il est hyper – réaliste pour ses projets et sa stratégie, ce qui lui permet de planifier et de programmer stratégie et tactique pour utiliser sa proie . Il doit donc répondre de ses actes et de ce qu’il impose à autrui. Il ne se remet jamais en question, n’accepte jamais ses propres contradictions internes ni ne se perçoit comme malade.
Peu de cliniciens décrivent les mécanismes et motivations profondes en rapport avec l’enfermement, le mensonge systématique pour duper autrui et la manipulation avec un double discours pseudo sincère . Certains experts, thérapeutes , magistrats et avocats peuvent eux aussi être dupés par le PN. »
II/ Alors une question se pose ensuite : comment devient-on Pervers Narcissique ?
Comme déjà évoqué dans l’introduction, l’éducation et donc les parents ont un rôle essentiel à jouer, car c’est, en effet, eux qui vont marquer l’inconscient de l’enfant et inscrire que tout n’est pas possible.
Il convient de remonter à la petite enfance pour identifier qu’une personne devient perverse avant l’âge de 5 ans.
Nous l’avons déjà évoqué, le bon développement d’un enfant repose sur « l’attachement secure », selon John Bowlby ainsi que sur un « bon maternage » et enfin sur une éducation où l’on sait dire non.
- Le maternage c’est quoi ?
« C’est accompagner le bébé vers l’autonomie sans surinvestir un lien naturellement fort ». Il s’agit du besoin primaire d’attachement du bébé nécessaire à sa sécurité intérieure et plus tard à sa capacité à être autonome, de respecter son environnement et de faire face à ses émotions.
Un bon développement est basé sur l’empathie apportant sécurité et amour à son enfant et également discipline par le non.
Le maternage comprend : le fait de
1/ faire confiance à ses ressentis pour mieux répondre aux besoins de l’enfant
2/ considérer le bébé comme un être à part dont les besoins doivent être analysés et respectés et ce dès les premiers jours de sa vie
3/ respecter le développement naturel et le rythme du bébé : ne pas le couver ou le gâter et à l’inverse ne pas l’ignorer mais réévaluer ses pratiques en les adaptant à l’âge et aux besoins de l’enfant tout en l’éduquant et lui fixant un cadre.
Parmi les pratiques on distingue le portage (porter le bébé contre soi), l’allaitement, la présence, les câlins, le sourire, le langage…Et la capacité parentale à lui dire non très tôt.
Pour les psychanalystes, le premier lien s’élabore naturellement avec notre mère. Elle devient ensuite la matrice de notre relation aux autres et au monde. Une mère ni trop longtemps absente ni trop envahissante et qui accepte que l’enfant se différencie d’elle, accède à l’émergence du désir grâce au manque.
Le docteur Barbier dans son livre « la fabrique de l’homme pervers » aux éditions Odile Jacob, soulève donc un point clé : « la séparation bébé/ maman qui se met au service de son enfant mais qui ne peut confondre territoire de la mère et territoire de la femme avec le rôle essentiel du père qui doit être présent et permettre de prendre conscience que la mère n’est pas tout pour son bébé ».
2. Revenons sur les 3 anomalies possibles :
-maternage excessif
-maternage insuffisant & maternage tardif
Le maternage excessif c’est quoi ? Le nouveau-né est très dépendant de sa mère ou de la personne qui lui apporte les soins nécessaires à son maintien en vie. Et à ce moment-là, la personne qui lui apporte ses soins n’est pas différenciée de l’enfant.
Au cours de son développement, le bébé craint d’être séparé de sa mère mais comprend qu’elle est différenciée et qu’elle lui fait vivre l’expérience du manque. Et il est essentiel à l’enfant de pouvoir expérimenter les limites de sa propre personnalité.
Un maternage excessif maintient le bébé dans un état de dépendance. Cette attitude sur-protectrice nuit à l’estime de soi de l’enfant, qui y voit la confirmation de son incapacité à faire les choses lui-même.
A l’inverse l’enfant insuffisamment materné ou avec maternage tardif peut avoir des carences affectives précoces dans la mesure où ses besoins et son rythme ne sont pas pris en compte. Il pourra en résulter des conséquences dans ses relations au quotidien avec les autres enfants telle que : incapacité à prêter, à demander sans prendre de force ou à faire preuve d’empathie.
Un bon maternage c’est donc le bon équilibre avec comme socle la sécurité et l’empathie tout en permettant à son enfant, au fur et à mesure, d’accéder à l’autonomie, de se construire en tant que sujet et de faire l’expérience du manque et de l’interdit.
3. Au delà du maternage, l’éducation de l’enfant est clé
UN PN le devient
- soit du fait d’une éducation type « l’enfant roi » qui n’a pas appris le non. Le non va initier le respect de l’autre. Les parents ici ne l’aident pas à intégrer la notion d’interdit et finalement en font un vrai tyran qui se croit tout permis.
- soit à l’inverse du fait d’une éducation avec absence totale d’amour et au contraire présence unique de brimades et insécurités voire traumas.
Alice Miller illustre parfaitement ce concept au travers du livre « c’est pour ton bien » où elle détaille le concept de la pédagogie noire. Pour Alice Miller : les racines de la violence et de la haine sont dans l’éducation de l’enfant.
Dans ce livre, elle décrit toutes les injustices que l’enfant peut subir et son besoin de se défendre et donc de donner à sa souffrance et à sa colère une expression structurée. S’il lui est interdit de réagir à sa manière parce que les parents ne supportent pas ses réactions (cris, colère, tristesse) et les interdisent par de simples regards ou autres mesures éducatives, l’enfant apprend à se taire. Et si les réactions adéquates aux vexations, aux humiliations et aux violences subies sont exclues, s’il y a refoulement du traumatisme, les sentiments sont alors refoulés entrainant à terme de graves troubles psychiques.
De plus, un enfant traumatisé et qui continue à subir des traumas sera dans un état de dissociation : son cerveau se déconnecte des émotions. Il en résultera alors des troubles du comportement et troubles psycho-traumatiques du type : s’agiter, être agressif, incapacité à se concentrer, phobie, troubles obsessionnels, angoisses, troubles alimentaires, envies de suicides ou encore besoin de reproduire la violence subie, impulsion à reproduire la violence subie, comme pour s’anesthésier de ce qu’il a subi.
En conclusion :
L’éducation, comme nous l’avons vu, a un rôle essentiel à jouer. Et il peut y avoir des effets dévastateurs d’une mauvaise éducation pour l’enfant.
Les racines de l’absence d’empathie, de la haine, de la destruction, de la perversité et donc de la perversion narcissique, entre autres, sont comme nous l’avons vu, tant :
- dans le maternage excessif et plus tard dans l’éducation laxiste type l’enfant roi avec absence de discipline.
- que à l’inverse dans le maternage insuffisant ou tardif et enfin dans l’éducation trop rigide avec l’absence d’amour et de sécurité.
Sachant qu’un PN c’est finalement quoi ? un enfant dans un corps d’adulte qui n’a pas intégré cette notion d’interdit.
Il me semble essentiel d’en prendre conscience pour également voir le danger que cela représente également pour notre société.
En conséquences ici, je repose :
- l’importance d’une enfance protégée non seulement pour le bon développement de l’enfant mais également pour la société plus globalement
- L’importance du respect de l’enfant, par une personne aimante et sécurisante.
- L’importance d’une éducation dans l’équilibre, ni trop ni pas assez, comportant un cadre et des limites lui permettant d’intégrer que tout n’est pas possible.
Merci au Docteur Dominique Barbier
Psychiatre, ancien chef de service des hôpitaux
Psychanalyste, Membre de l’Association Lacanienne Internationale
www.docteur-dominique-barbier.fr
« La fabrique de l’Homme Pervers », Paris, Odile Jacob Editeur, 2013